• Homéopathie et psychotropes

    Cette semaine, 2 nouvelles concernant la consommation de médicaments en France (nous sommes leaders mondiaux avec les US) sont tombées.

    La plus récente, hier, sur l'homéopathie : l'Académie nationale de Médecine s'est fendue d'un communiqué (cliquez ici), voté par 19 membres sur 25, dénonçant le remboursement des médicaments homéopathiques qui perdure en France, contrairement à la plupart des pays européens (cliquez ici)

    Rappel du contexte : cette forme de médecine, vieille de 200 ans, est basée sur des propriétés de l'eau qui pourrait amplifier, modifier voire garder en mémoire seulement certaines propriétés des substances avec laquelle elle est mise contact. Ainsi les comprimés d'homéopathie usuels ne contiennent que des quantités minimes voire infinitésimales de la substance choisie (qui peut être nocive à concentration normale). Les comprimés à très haute dilution (> 23 CH) ne contiennent aucune molécule du produit, ce sont des comprimés de sucre et d'eau mise en contact avec la substance choisie puis diluée des milliards de fois ..  et pourtant, ça marche !! Vous-mêmes ou votre entourage ont sûrement un jour ou l'autre pris un granule (nous sommes les leaders mondiaux en terme de consommation d'homéopathie, 10 fois la moyenne mondiale) avec une impression certaine d'efficacité. D'ailleurs chaque année, Boiron (qui va sûrement protester dans la presse en achetant des pages de pub pour défendre ses produits) vend des centaines de milliers de tubes d'Oscillococcinum, tous fabriqués à partir d'un seul canard, pour prévenir l'apparition de la grippe...

    Donc l'homéopathie est bien implantée dans notre pays, s'y associe une impression certaine d'efficacité, entraînant a priori une moindre consommation de médicaments traditionnels. Alors pourquoi dérembourser, alors que cela représente une infime partie des remboursements ? Les médecins de l'Académie étayent leur argumentaire sur l'absence de preuves scientifiques, les rares études menées n'ayant pas montré de différence significative avec le placebo, alors qu'on s'apprête à dérembourser des médicaments qui marchent mais insuffisamment.

    Pourtant les éditorialistes des différents quotidiens, qui ne contestent pas ce fait, s'insurgent contre ce possible déremboursement complet, arguant que c'est rentré dans les mœurs, ça n'a aucun effet secondaire, c'est efficace malgré l'absence de preuves, c'est utilisé dans les pathologies mineures et cela diminue la consommation de médicaments potentiellement plus dangereux (effets secondaires). Voir par exemple cet éditorial du Monde, titré "Homéophobie" : cliquez ici. Ou encore les 2 pages de Libé consacrées à ce sujet : cliquez ici (3 autres articles en lien à droite).

    Perso je ne serais pas aussi catégorique que ces éditorialistes. Ok, c'est inoffensif et ça marche, même les nourrissons et les chiens en prennent, ça soulage l'anxiété des familles, etc. Mais j'aimerais qu'on s'interroge sur un point : quand on connaît la réceptivité des nouveaux-nés, l'influence qu'ont les comportements des parents sur eux, est-ce bien inoffensif de leur donner des comprimés homéopathiques dès qu'ils se cognent (arnica) ou qu'ils ont le nez qui coule un peu? Ne les habitue-t-on pas à prendre un médicament au moindre bobo ? C'est à mon avis prendre le risque de les transformer en futurs consommateurs excessifs de médicaments dès qu'ils auront un pêt de travers.. Pour vérifier cela, il faudrait faire une étude : non pas pour vérifier une fois de plus que cela n'agit pas plus qu'un placebo, mais pour essayer de mettre en rapport la consommation de médicaments à l'âge adulte et la prise de granules homéopathiques à la naissance. Peut-être que je me trompe, mais il est possible qu'on trouve une corrélation... cela vaudrait la peine, cette surconsommation de médicaments à l'âge adulte participe à l'anxiété généralisée et au déficit abyssal de la Sécu..

     

     

    2ème news sur les médicaments : la consommation de psychotropes en France a de nouveau nettement augmenté de en 2003. Cet article du Monde (cliquez ici) se penche sur cette augmentation, stigmatisant les prescriptions abusives, la surconsommation globale de médicaments et le déficit d'information sur ces substances en particulier.

    En effet, il y a sûrement des choses à revoir sur les modalités de délivrance et l'information. Mais la surconsommation de psychotropes, indépendamment de sa prescription ou d'un problème de diagnostic, s'inscrit à mon avis dans un cadre pas vraiment évoqué dans l'article, celui de l'augmentation globale des addictions en France : nous sommes toujours en tête de peloton concernant l'alcool, le cannabis (alors que nous avons une des législations les plus répressives d'Europe..), ou encore la télévision (3h30 en moyenne par jour, dont près de 2h sur TF1, la machine à décerveler selon son propre président..)...

    Les patients sont devenus des consommateurs de soins et il est donc normal qu'ils demandent une drogue légale (qui n'est pas dépistée au volant en plus) dès l'instant où l'on considère qu'ils sont en demande addictive, même inconsciente.

    Le problème sous-jacent à cette augmentation, c'est peut-être l'origine globale de ces conduites addictives, qu'elles s'inscrivent dans un cadre légal (psychotropes, alcool, télé) ou non (cannabis, drogues de synthèse, etc.).Aussi il faudrait peut-être (mais c'est probablement déjà fait..) considérer ce chiffre simplement comme un indicateur de plus du mal-être de notre population, indépendamment de la réalité ou non d'une dépression sous-jacente... La société est anxiogène, les actualités sont anxiogènes, la vie privée aussi, l'éducation, la géopolitique, etc.

    Or le fait est qu'en France nous sommes dans un pays riche où une partie de la population se sent décalée, abandonnée ou au contraire en surchauffe à essayer de tout suivre, et donc vulnérable à ces facteurs d'anxiétés, auxquels peuvent se rajouter l'ennui, la peur de la mort (revers de la laïcité..), etc. Cela peut dévier vers une addiction compensatrice, et donc pourquoi pas par une consommation de psychotropes... Et le rôle des médecins est d'aider le malade, pas de changer son environnement pour lever son anxiété. Mais comme les patients connaissent l'existence et l'efficacité de ces substances, il est normal qu'ils les réclament. Et si leur médecin refuse de leur en prescrire, ils en trouveront un autre... C'est triste mais c'est comme ça.. Il faut donc espérer que l'évolution de la société française laissera moins de place à l'anxiété (plus facile à dire qu'à faire..), ainsi les conduites addictives diminueront globalement, et donc la consommation de psychotropes avec..

     

    En conclusion, la France surconsomme des médicaments, dont des placebos et des drogues légales, alors certes on peut procéder à des ajustements sur les remboursements, les conditions de délivrance, l'information sur ces substances, etc. mais à mon avis le problème n'est pas que là, il se situe également sur le terrain de l'éducation (je suis prêt à tout pour que mon enfant ne souffre pas, j'ai mal donc il me faut un comprimé, pas un remède de grand-mère) et de l'évolution de notre société de consommation (c'est nouveau, c'est encore mieux qu'avant, fini votre dépression, je vous vends du bonheur en pilule../ je n'en peux plus d'angoisser, vite une pilule à mettre sous la langue pour agir plus vite...)... Nous voilà bien avancés, non?


  • Commentaires

    1
    coline
    Jeudi 9 Septembre 2004 à 20:31
    infos
    "est basée sur d'hypothétiques propriétés de l'eau, qui pourrait garder en mémoire certaines propriétés des substances avec laquelle elle est mise contact." C'EST PAS LES FLEURS DEBACH!! L'homéopatie c'est pas de l'eau qui aurait gardé en mémoire certaine chose. L'homéopatie ne contient aucune molécule de médicament certe! Mais elle contient plus ou moins (en fonction de la dilution) des molécules d'une substance qui, à l'état pure, empoisonne. Exemple: on prend une substance qui à l'état pur donne d'énormes douleurs au ventre, et bien l'action de cette substance dilué des centaines de fois s'inverse et va au contraire soulager les maux de ventre. Pour un mal de ventre, on le prend dans les environ des 5CH à une grande fréquence (1/30min)à espacer quand ça va mieux. A lire chapitre 1 : "les repères en homéopatie" du livre "le guide de l'homéopatie" du Dr Gérard Pacaud
    2
    Tschok
    Lundi 13 Septembre 2004 à 17:02
    Homéopatie alors Juliette est triste
    Très intéressant! Ca marche avec les bitures? Mettons, chuis bourré. J'prends un dernier verre, qui se dilue dans tous les autres et ça passe? Faut que j'essaye.
    3
    Lledelwin
    Vendredi 24 Septembre 2004 à 17:09
    Homéopathie
    Concernant l'absence de preuve scientifique, je veux rectifier un truc : il y a des études publiées dans des revues scientifiques qui apportent la démonstration que dans certains cas étudiés, l'homéopathie marche ! Seulement, on ne comprend pas comment cela fonctionne. L'efficacité a été démontré, c'est le mode de fonctionnement qui n'a pas été démontré. Personnellement, mon expérience avec l'homéopathie remonte à mes 5 ans, lorsque je souffrait d'asmthe à puissance carabinée, et que les traitement allopathe fonctionnaient pas. A cinq ans, je ne pense pas que l'effet placebo a pu jouer un grand rôle... Je ne pense pas non plus que le betail soigné par cette méthode soit sensible à l'effet placebo... Europ 1 avait consacré une émission à l'homéopathie il y a une semaine...
    4
    Curiosis
    Samedi 25 Septembre 2004 à 17:09
    Réponses tardives..
    (désolé de cette réponse tardive, pas d'accès Internet pendant 15 jours?). Bonjour, j'aurais dû préciser que les comprimés ne contenaient aucune molécule pour des dilutions supérieures à 23 CH (supérieures au nombre d'Avogadro = nombre de molécules dans une molécule-gramme = 6x10puissance23), je vais d'ailleurs modifier mon texte en ce sens, merci de cette précision. Sinon effectivement pour une dilution de 5CH, il y a des molécules du produit choisi. Une dilution 5CH équivaut à prendre une goutte du produit et à la diluer 10 000 fois. En gros c'est comme si vous mettiez une goutte de produit dans un demi-litre d'eau (1 goutte = 0.05 ml), et que vous transformiez ce mélange en dizaines de comprimés. Pour une dilution à 10CH, c'est 1 goutte dans 5 000 litre.. On suppose donc que des quantités minimes du produit (poison mimant la maladie par ex) agirait contre la maladie. Pour les comprimés à 23CH et plus, il n'y a plus de molécules du tout, donc là on fait bien appel à d'hypothétiques propriétés de "mémoire" de l'eau (cf. travaux controversés de Jacques Benveniste http://www.digibio.com). Bref, de toute façon ce n'est pas le remboursement de l'homéopathie qui me gêne : après tout, cela aide les gens ne serait-ce que par l'écoute du médecin homéopathe, placebo ou pas placebo (pour moi a priori c'est du placebo, mais bon il y a peut-être un petit plus qu'on ne peut pas encore vraiment expliquer..), et un déremboursement entraînerait une diminution supplémentaire du pouvoir d'achat des utilisateurs de ces soins (10 millions en France), or notre époque n'a vraiment pas besoin de ça, d'autant que les économies réalisées seraient minimes - idem, au passage, avec le déremboursement envisagé des veinotoniques, qui soulagent les patients, qu'ils soient plus efficaces que le placebo ou non. Ce qui me chiffonne, c'est la surconsommation globale de notre pays (en en particulier la notion d'addiction qui me semble sous-estimée) et le fait d'administrer des comprimés, même placebos, à des nourrissons dès le moindre bobo ou en préventif. Je me demande si on ne déclenche pas de cette manière un "formatage" qui les rendra consommateurs de médicaments++ plus tard (de plus en plus de "jeunes" consomment des psychotropes, je ne sais s'il y a un lien par ex), d'où à mon avis l'utilité de la réalisation d'une étude sur ce sujet....Mais bon, ce n'est pas une priorité nationale non plus, c'est juste par curiosité on dira..
    5
    Lledelwin
    Lundi 11 Octobre 2004 à 17:52
    Effectivement...
    ... il y aurait matière à réflection, entre l'utilisation de médicament et la surconsomation une fois adulte. Mais cela ne concerne pas uniquement l'homéopathie... Enfant, je rafolais des granules de sucre homéopathique, tout comme je rafolais du lysox, médicament débouche-naseaux, tuilisé en cas de rhume pour liquéfié les sécrétions nasale et qui avait un gout d'orange chimique qui me faisait délirer. J'adorait aussi le sirop qu'on me prescrivait en cas de grosse bronchite... Sur la boite, il y avait un sale microbe qu'il fallait faire sauter, et ils étaient de plus en plus pale avec le temps passé, histoire que l'enfant comprenne l'utilité du médicament... et aussi que quand le temps est passé et que tout les microbes sont mort, il ne fasse pas chier pour encore avoir droit à sa cuillère de sirop, pcq l'était pas dégueu non plus ! Pour ce qui est de l'utilisation de sychotrope... tu parle des médicaments, ou de psychotropes en général, genre pinard, xtc, etc ?
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    Curiosis
    Lundi 11 Octobre 2004 à 18:58
    Réponse à Lledelwin
    lol, quand j'étais petit j'adorais le Toplexil, au caramel..(le goût ressemblait à celui du Carambar) et c'est sûr que depuis je me dis qu'un sirop contre la toux, ça fait du bien... Et si on m'avait donné de l'homéopathie, je suis sûr qu'actuellement j'en prendrais facilement sans me poser de question... bref... Concernant les psychotropes, je fais allusion aux 2 : anxiolytiques, somnifères, antidépresseurs, mais aussi alcool, cannabis, et dans une moindre mesure extas, coke, héroïne, mescaline, champis, etc. Ce sont des substances addictives, légales ou non.. En gros ce sont des béquilles de la vie, des symptômes d'un manque, d'un mal-être, d'une inadéquation avec la réalité du quotidien.. et donc leur utilisation croissante (légale ou non), notamment chez les jeunes, est peut-être un symptôme de l’inadaptation à la société que nous construisons année après année.. Tout ça pour dire qu'à longueur d'articles on souligne une augmentation de la consommation d'un tel, la diminution d'un autre, très bien.. Mais on ne peut pas dire simplement aux gens "Attention, vous consommez trop de bidules, il faut arrêter...et vous, les médecins, arrêtez de prescrire des médicaments psy.." C'est la société qui doit changer, être moins anxiogène pour diminuer ces comportements, pouvoir fonctionner certes dans la performance mais aussi dans le respect mutuel et l’écoute des différences. Une donnée récente : l'alcoolisme chez les jeunes remonte alors qu'il baissait depuis quelques années, mais la consommation de cannabis baisse alors qu'elle montait auparavant.. Il y a donc une sorte de balancier qui signe la non-évolution du problème de base, c'est-à-dire le besoin de béquilles dans notre société riche mais anxiogène.. Donc que faire ? Mettre tout le monde au bouddhisme ? Fermer les yeux sur ces dérives en les canalisant tant bien que mal ? Multiplier les drogues légales ? Augmenter la répression au contraire ? Ou tout simplement attendre que la croissance revienne, le chômage diminue, TF1 fasse banqueroute, le terrorisme s’éteigne et la Terre s’unifie, pour être enfin zen et épicuriens sans s’aider de substances altérant le jugement… ? Je préfère évidemment la dernière solution, mais bon, elle est complètement utopiste...
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