• Oui, Non, où en est-on, où vas-t-on ?

     

    Presque 2 mois se sont écoulés depuis les premiers sondages montrant le « non » en tête... Depuis le « non » s'est envolé, puis se tasse à présent.... Une grande partie des français s'interrogent, moi le premier, donc voici une petite tentative de bilan de ces 2 derniers mois, où tous les leaders ci-dessus, entre autres, se sont largement exprimés...


    A droite, une campagne menée par des leaders fragilisés

    Raffarin, dont j'ai renoncé à noter toutes ses déclarations tellement elles sont décalées, a continué à vendre la Constitution comme un paquet de café et a donc perdu encore un paquet de points dans les sondages (et sa vésicule...), Chirac s'est enfoncé en avouant son incompréhension de la France actuelle, disant même que les jeunes « lui faisaient de la peine » (pauvre chou.. s'il n'avait pas agité des fantasmes sociaux depuis 10 ans tout en s'occupant exclusivement de son clan, il aurait peut-être pu s'intéresser aux préoccupations des jeunes), le surréaliste Giscard a déclaré que« sa » Constitution « était un texte joliment écrit » (sic) et qu'il pensait, malgré l'accumulation de sondages au mieux indécis, que le « oui » serait « franc et massif ».. (re sic).. Sarkozy défend le « oui » sans qu'on sache si c'est le « oui » au texte ou à son importante personne...Simone Veil par contre semble écoutée, mais quel sera l'impact de son entrée en campagne?

    Quant au camp du "non", Le Pen a éructé sur les plateaux télé sa volonté de sortir de l'Europe (« la Nation est en péril »), De Villiers a continué d'agiter les peurs (Turquie, Bolkenstein, textile chinois) sans rien proposer, Boutin s'est inquiété du droit à l'avortement (comme si on pouvait l'imposer à l'Irlande et à la Pologne par ce texte...), etc. etc.


    A gauche, le flou...

    Delors s'est certes engagé fortement récemment, mais Jospin a fait un retour en faveur du « oui » sans la moindre once d'autocritique sur son action européenne passée (Nice !!), Hollande a été plutôt convaincant sur le fond mais d'une mollesse déconcertante sur la forme, les autres éléphants se sont positionnés mais sans vraiment convaincre non plus il me semble, peut-être du fait de leurs arrière-pensées réelles ou supposées.. Les partisans du « non », y compris au PS, s'en sont donnés à cœur joie sur les différents plateaux et dans les journaux, dénonçant en vrac le libéralisme à la sauce anglo_américaine (avec les délocalisations qui vont avec), l'assujettissement à l'Otan, la non-réformabilité supposée de ce texte, l'absence de clarté sur la laïcité, etc. mais également sans rien vraiment proposer hormis un hypothétique "Plan B".. Fabius a même repris il y a une semaine sur TF1 les arguments de De Villiers, entretenant et alimentant le flou.. : "On aura un détricotage de la protection sociale, une augmentation des délocalisations et un élargissement qui va aller jusqu'à la Turquie qui fait qu'il y aura une dilution totale de l'Europe".


    Donc une cacophonie polluée en plus par le débat intérieur

    Pendant ces 2 mois, nous avons donc pu assister à une véritable cacophonie en dehors du clivage habituel Gauche - Droite (il suffit de regarder l'image ci-dessus...), tant les intervenants se sont multipliés dans les médias, qu'ils soient pour le « oui » ou pour le « non », s'attaquant à coup de formules démagogiques et d'extraits hors contexte du texte dans des formats guidés par des journalistes impuissants ou trop partiaux.. De plus, malheureusement, la politique intérieure, faite de réformes-cataplasmes sans perspectives ni anticipation, a largement contribué à flouter davantage le discours du « oui », ce qui explique probablement la flambée du « non » dans plus de 20 sondages : le chômage continue à augmenter, la fameuse « fracture sociale » se creuse chaque jour davantage, le lundi de Pentecôte à la charge des seuls salariés énerve tout le monde (alors qu'il aurait suffit de remonter un peu l'impôt sur le revenu, par exemple, pour obtenir ces 2 milliards de manière égalitaire..), l'imprévoyance du gouvernement sur la directive Bolkenstein (pourtant signée, à l'état de projet, depuis plusieurs années) et sur les textiles chinois (incapacité d'anticiper une situation prévisible depuis 10 ans !) a crispé encore les gens...Du coup j'ai vraiment l'impression que tous ces débats et discours n'ont fait qu'ajouter à la confusion.


    Aujourd'hui, les sondages ne se mouillent plus

     En effet actuellement c'est du 50 - 50 pour quasiment tous les instituts (qui ont dû faire fortune, au passage...)...Pourquoi ? Devant ce bazar, peut-être que les citoyens ont renoncé à écouter ces leaders qui s'entredéchirent à coup de formules et se sont concentrés sur la question posée.. d'où une stabilisation relative, comme s'ils attendaient le dernier moment pour vraiment se décider... je ne sais pas.... Ils s'informent en tout cas de plus en plus (les forums politiques croulent sous les messages, les blogs pullulent..), ils ont enfin reçu le texte de la Constitution, la France bouillonne pour cette échéance électorale sous l'œil inquiet des autres pays européens qui craignent de nous voir faire dérailler le train de l'Europe, alors que c'est nous qui avons été à l'origine de ce projet dès 1957...


    Si le « oui » passe...

    Si le « oui » passe, le cadre constitutionnel aura de grandes chances de passer à l'échelle européenne...Et nous pourrons avancer, au gré de nos choix politiques intérieurs et européens... ce sera le début d'une Europe différente mais dans la continuité, différente parce qu'approuvée par 25 pays et désormais teintée de politique (un Président, un Ministre des Affaires étrangères européens) avec un socle humain (la Charte des droits fondamentaux), dans la continuité parce qu'aboutissement d'un processus pacifique et économique de 50 ans... Alors quelle attitude adopteront les nonistes ? Vont-ils tout de même travailler sur un autre texte ou vont-ils se rabattre sans vergogne sur la campagne de 2007 ? Comment oublier toutes ces prises de position très tranchées ? A mon avis tout ça retombera comme un soufflé, et les leaders nonistes se concentreront sur une alternance en France, qui permettrait éventuellement de faire passer plus facilement leurs idées... et peut-être que d'autres idées surgiront, soyons positifs, permettant de donner un souffle différent à cette Europe de 450 millions d'habitants...


    Si le « non » passe, mais uniquement en France...

    L'Europe entière va-t-elle se tourner vers Fabius, Buffet, Villiers, Le Pen pour qu'ils pondent un nouveau texte ? Sûrement pas...Le texte est déjà ratifié par 9 pays je crois, donc ce serait les mépriser en abandonnant ce texte.. De plus les Hollandais, le 1er juin, puis les Luxembourgeois, le 10 juillet, prendront le relais des Français.

    Donc tout le monde attendra la fin des ratifications (en 2006) et ensuite on verra bien... L'Angleterre sera peut-être ravie de notre « non » en tout cas, les anglais seraient du coup capables de voter « oui » simplement pour nous faire porter la responsabilité de l'échec... Bref... fin 2006 il faudra donc décider quoi faire... Or en 2006 on sera en pleine campagne présidentielle, ce sera toujours l'UMP qui sera au pouvoir, donc à mon avis l'Europe se fera sans nous, on aura alors l'air malins dans notre coin avec notre marasme économique pour seul socle...


    Si le « non » passe en France et ailleurs...

    Il faudra a priori refaire un texte... Mais ce seront toujours nos dirigeants déconnectés du monde réel qui seront aux manettes... (dont Chirac évidemment, qui aura mis une fois de plus son orgueil dans sa poche et se sera maintenu au pouvoir...) et ça m'étonnerait qu'ils arrivent ne serait-ce qu'à conserver les éléments qu'ils ont arrachés aux autres pays : l'exception culturelle par exemple, ou surtout le renforcement du couple franco-allemand au Parlement. La France aurait 13% des votes si la Constitution est adoptée contre 9% avec le Traité de Nice. Avec l'Allemagne nous aurions 30%, et avec les 5 autres pays fondateurs 50% des votes, contre 30% aujourd'hui seulement... Franchement, si le « non » passe à cause de nous, comment imaginer que ces dispositions super favorables seront maintenues ?


    C'est bien beau tout ça mais on vote quoi ?

    Perso j'ai une intime conviction depuis le début, pour le vote « oui ».. Pas un « oui » aux inconsistances politiciennes, mais un « oui » au risque. Contrairement à ce qu'affirment certains nonistes en disant que les ouistes sont frileux, qu'il faut savoir prendre des risques en votant « non », pour moi le risque c'est le « oui ».. Mais malgré les incertitudes sur le ciment de cette Europe et son évolution socio-économico-culturelle, débuter une aventure à 450 millions avec un socle certes imparfait mais issu d'un compromis unique dans l'Histoire, ça vaut le coup non ? Ce socle laisse la place à des politiques volontaristes, qui ne se défaussent pas sur des invisibles (on ne pourra plus dire « c'est la faute de Bruxelles », on est tous informés maintenant et on aura voté..).. Je suis persuadé que dans ce monde dangereux, dépersonnalisé au profit de la consommation, une Europe unie et compatible avec la « philosophie » actuelle des démocraties (l'économie de marché plus ou moins sociale) pourra tirer son épingle du jeu. C'est-à-dire faire glisser le monde vers un équilibre plus juste... Ca dépendra complètement des citoyens qui éliront leurs dirigeants nationaux et européens, donc des projets politiques...


    Je comprends tout à fait ceux qui ont une intime conviction pour le « non »... Je ne pense pas qu'ils « aient peur » comme l'a martelé Chirac, mais ils semblent persuadés que la France et l'Europe sont sur une voie sans issue... Simplement j'espère que cette conviction trouvera un autre champ d'expression : pour faire la Révolution, il faut proposer autre chose.... Et dans cette campagne je ne vois aucune proposition réelle... donc c'est trop tôt, pour changer le monde il faut une alternative sinon on se fait piétiner....


    Quant aux indécis, en tant que ouiste, je souhaite évidemment qu'ils prennent le risque de voter « oui »...


    Ah, si...

    Ah, si les gouvernements français avaient eu autre chose à la bouche que « c'est la faute de Bruxelles » au moindre problème socio-économique.. Ah, si la France d'était battue pour un référendum simultané à l'échelle européenne.. Ah, si les partisans du « non » s'étaient réveillés avant, dès Nice par exemple pour travailler sur une alternative... Ainsi tout a été fait, suite à la débacle des Régionales, pour que les dernières élections européennes se passent en catimini, alors que c'était le moment de débattre et d'influer sur le texte si besoin...


    En conclusion..

    Il est trop tard pour regretter notre absence d'anticipation, la situation est comme elle est, et on verra bien le 29... ! Tout ce que j'espère c'est que l'Europe, quel que soit le résultat, continuera à avancer et à faire avancer la démocratie, pas à coups de bombe mais à coups d'humanité... D'ailleurs, avez-vous vu tous les pays qui rêvent de nous rejoindre ? Respectons-les au moins, sinon ce sont eux qui nous piétineront, et, franchement, comment leur donner tort... ? Il sera toujours temps de trouver une solution pour mettre au point un libéralisme à la française, plus humain, moins vain... En plus cette Constitution ne remplacera le traité de Nice qu'en 2009, cela nous laisse donc 4 ans pour dépassionner le débat, renouveler nos dirigeants obsolètes et, qui sait, ouvrir des perspectives novatrices dans ce cadre... Nous en sommes capables, j'en suis sûr, mais pour ça il faut avancer, pas se crisper, se replier.. Astérix avait la potion magique pour tenir tête au monde, mais nous, nous n'avons « que » nos voisins et amis européens.. Et si on évitait de leur tourner le dos ?


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